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Empire des Nécromants (L’), tome 1 : L’Ombre de Frankenstein
Brian Stableford
Black Coat Press, Rivière Blanche, Fusée, traduit de l’anglais (Grande-Bretagne), feuilleton fantastique, 262 pages, juin 2010, 20€

1821, Londres. Ned, malandrin pétri d’idéaux républicains, est témoin de l’étrange mutation d’un ancien camarade, qui semble transi de l’intérieur. Mais à peine a-t-il le temps d’aider son ami qu’un soi-disant docteur, homme de main brutal à l’appui, le lui enlève. Poursuivant le médecin jusqu’aux docks, Ned reconnaît à la fenêtre d’un bateau une silhouette effrayante : celle de Jean Diable.



Ainsi qu’il l’explique dans sa préface, Brian Stableford nous livre avec « L’Ombre de Frankenstein » la suite du roman de Paul Féval, « Jean Diable ». Ou plutôt, la suite de la traduction fortement annotée qu’il en a fait (et disponible chez Rivière Blanche).
En effet, nous explique-t-il, « Jean Diable », qu’il considère comme le premier roman d’enquête, était un feuilleton, moyen commode à l’époque de Féval de s’assurer un revenu régulier. Dumas a mangé de même. Mais voilà, ce format à rallonges conduit parfois l’auteur à des pirouettes, des incohérences, et certaines faiblesses. Choses qu’il a tenté de corriger, de solutionner dans sa version annotée.
C’est donc au « Jean Diable » de Stableford, pourrait-on dire, que « L’Ombre de Frankenstein » donne suite, l’intrigue élaguée des fausses pistes et des paradoxes du feuilleton original.
Cependant, n’allez pas vous y tromper, Brian Stableford fait ici œuvre de continuateur respectueux, revivifiant, c’est le cas de le dire, la trame de Féval.

Première partie : “Les Hommes Gris”


Car il est question ici d’un procédé pour ressusciter les morts. Procédé que le mystérieux docteur a semble-t-il appliqué à l’ami de Ned. Procédé dont il n’est peut-être pas le seul dépositaire, ni le créateur. L’aurait-il volé à Jean Diable ?

C’est là que le chemin de Ned recroise celui de Gregory Temple, le policier tenu en échec par Diable des années durant. Le démoniaque personnage s’était fait passer pour l’assistant de Temple, et avait contraint celui-ci à mettre sa famille en lieu sûr, en France. Diable aurait même poussé Temple aux portes de la folie, dit-on. Aussi quand le policier demande à Ned de l’aider à retrouver la trace de son ennemi de toujours, il ne lui laisse en réalité guère le choix.

Suivant la Tamise, Ned ne va pas tarder à comprendre qu’une lutte de pouvoir s’organise entre les détenteurs de la méthode de résurrection, et qu’un troisième joueur, que l’Histoire semblait pourtant avoir définitivement écarté, va se mêler à la partie.

Telle est donc la première partie, intitulée “Les Hommes Gris”, mêlant mystère et aventures, se terminant par un formidable feu d’artifice opposant morts-vivants et forces de l’Ordre.
Ned, tout au long de ses découvertes, n’aura de cesse de se raccrocher à son idéal républicain, se lançant parfois dans de longues tirades sur la liberté des peuples.
Le rendu final demeure feuilletonnesque, dans le sens noble du terme : on a envie de lire la suite, le suspense est permanent, les révélations des uns et des autres, s’étalant sur de pleines pages, alternent avec l’aventure proprement dire.

Seconde partie : “Les Voleurs d’Enfants”


La seconde moitié du livre m’a paru moins captivante, même si d’égale qualité littéraire. Temple se rend en France, à la demande de sa fille et de Jean Diable avec qui il a conclu une sorte de trêve, le temps de mettre les morts-vivants hors d’état de nuire. Deux enfants ont été enlevés, et c’est pour Temple l’occasion de renouer avec sa fille et une ancienne complice de Diable. La tension qui demeure entre eux, le ressentiment que ces deux femmes éprouvent pour le vieux policier manquent de nuire à la délivrance des enfants. Jean Diable ne paraissant point, Temple va seul livrer la rançon, et découvrir que de vieilles sociétés secrètes qu’il croyait éradiquées sont toujours vivaces.

Moins trépidant que “Les Hommes Gris”, “Les Voleurs d’Enfants” s’efforce de renouer avec les imbroglios familiaux imaginés par Féval (un sacré paquet de nœuds !) et mise plus sur l’atmosphère, l’ambiance brumeuse et crépusculaire, que sur l’aventure. Deux tons donc radicalement différents, deux rythmes, mais un même talent d’écrivain.

La fin ouverte laisse envisager le contenu du tome suivant, « Frankenstein et la Vampire », en cours de traduction par Nicolas Cluzeau, où les morts-vivants seront sans doute confrontés aux héritiers de la chevalerie et des croisades.

Au risque de me répéter, Brian Stableford revivifie le feuilleton, lui rend ses lettres de noblesse, mêlant Histoire et fantastique à merveille, ressuscitant un art de la plume d’un autre siècle, qu’on redécouvre toujours efficace et captivant.

Étant le correcteur de ce roman, je serai bien en peine de signaler les fautes qui auraient pu m’échapper. Mais si vous en trouvez une, n’hésitez pas à me la signaler...


Titre : L’Ombre de Frankenstein
Série : L’Empire des Nécromants, tome 1
Auteur : Brian Stableford
Traduction de l’anglais (Grande-Bretagne) : Nicolas Cluzeau
Couverture : Daniele Serra
Éditeur : Black Coat Press
Collection : Rivière Blanche - Fusée
Numéro : 10
Site internet : page roman (site éditeur)
Pages : 262
Format (en cm) : 12,8 x 20,2 x 1,6
Dépôt légal : juin 2010
ISBN : 978-1-935558-24-8
Prix : 20 € + 3 € de port, commande directe via le site de l’éditeur



À lire également sur la Yozone :
- Nicolas Cluzeau à l’honneur : son interview, les chroniques des ses romans « Les Cavaliers du Taurus », « Rouges Ténèbres », « Harmelinde et Deirdre », et ses nouvelles dans « L » et « Zoo criminel ».


Nicolas Soffray
22 août 2010


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