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Kami Garcia et Margareth Stohl, nouvelles ambassadrices du Southern Gothic ?
Une interview Yozone
Mai 2010

C’est dans l’atmosphère feutrée du bar La Seine que j’ai eu la chance de rencontrer Kami Garcia et Margareth Stohl, venues en France pour une séance de dédicace parisienne qui a eu lieu le 7 Mai au Virgin des Champs-Elysées (ainsi qu’à Lille le 8 Mai). Les deux auteures de « 16 Lunes » (« Beautiful Creatures ») m’ont très gentiment accordée le temps d’une interview…magique ! Avec l’aimable participation de Laure pour la traduction.



Kami, vous êtes originaire du Sud des États-Unis, et vous, Margareth ?

Margareth Stohl : Non, pas du tout. Ma famille vient d’une petite ville de l’Ouest et celle de Kami vient du Sud. C’est le genre de ville où tout le monde sait ce que chacun fait. Mon grand-père était tout à fait le genre de postier qui lisait les lettres. Et tous les personnages un peu fous du livre sont inspirés du monde réel... Comme la sœur de Kami.

Kami Garcia : Oui, c’est vrai.

M. S. : La plupart des personnages les plus excentriques du livre sont réels.

Puisque vous n’êtes pas originaires de la même région, comment vous êtes-vous rencontrées ?

K. G. : Je suis professeure de lecture. Margareth a trois filles et je les ai eu toutes les 3 à l’école. Et nous sommes devenues amies.

M. S. : Nous aimions les mêmes livres, nous lisions le même genre de fantasy. Nous avons commencé à parler de livres, et puis nous sommes devenus amies. Ensuite nous sommes devenues des partenaires en critiquant chacune les livres de l’autre. Et enfin nous avons décidé d’écrire ensemble.

Justement en parlant de vos lectures. Par quoi êtes-vous influencées ? Le “Southern Gothic” est un genre que vous lisez ou bien vous aviez juste envie de faire quelque chose qui ressemblait à ça ?

M. S. : Oui, c’est vrai que nous lisons presque tout ce qui est fantastique et que du fantastique. Le Sud possède un mix fantastique de superstitions, de religions et d’histoires, une culture très riche et un peu bizarre. Nous avons voulu peindre des personnages fantastiques et excentriques, et adopter une histoire qui ne soit pas « normale ». Mais toutes les décisions à propos du style découlent du fait que nous n’avons pas écrit ce livre pour qu’il soit publié. Nous avons écrit ce livre pour 7 adolescents : mes 3 filles et les étudiants de Kami. Ils étaient un peu ennuyés à propos de tout ça car ils nous disaient : vous ne finissez rien. Et tous les jours nous avions 7 personnes qui nous demandaient la suite ! Et donc en 12 semaines nous avons fini le livre. Mais les relectures et les corrections ont pris 9 mois.
Les 7 adolescents pour qui nous avons écrit le livre voulaient de la fantasy, lisent de la fantasy, ils aiment « Twilight » et les vampires, et ils aiment avoir peur. Nous avons eu beaucoup de questions à propos du fait que c’est un garçon qui raconte l’histoire mais c’est parce qu’ils étaient lassés d’avoir toujours le point de vue de la fille. Donc tout est naturellement venu de ce que les adolescents attendaient.

Et aussi des sorcières à la place des vampires ?

M. S. : Oui, ils étaient fatigués des vampires !

K. G. : Je crois que c’est comme ces histoires que l’on raconte le soir. Tous les soirs, on commence une nouvelle histoire. Les lecteurs ont besoin de ça. C’est plus facile d’écrire quand tu sais pour qui tu écris. Et là c’était très facile parce qu’avec 7 personnes, on savait exactement ce qu’ils attendaient.

Est ce que ce n’est pas très étonnant au final qu’un livre qui a été écrit pour 7 personnes plaisent à autant de monde ?

K. G. : Nous avons été surprises. Au départ, ce livre n’était pas destiné à être publié. C’est la faute d’un ami : nous lui avons donné le livre à lire et il l’a envoyé à un agent sans nous prévenir. C’est comme ça que le livre s’est retrouvé publié dans le monde entier. Mais même quand son livre se retrouve distribué un peu partout, on ne s’attend pas à ce que tant de gens l’aiment. Parce que tu sais, ce n’est pas comme le reste, tu ne peux jamais être sûr. Ce qui est intéressant c’est que les gens en Amérique et ailleurs, de tous les âges, les garçons, les filles mais aussi, les hommes et les femmes, les grands-mères et les grands-pères ont aimé ce livre et je crois que c’est parce que ce que ressent Ethan - vouloir être différent - tout le monde se rappelle avoir ressenti ça. C’est universel. Et je crois que c’est pour ca que les gens l’aiment.

M. S. : Les enfants sont des versions authentiques, innocentes, des adultes. Et lorsque nous sommes adultes, nous cherchons à retrouver les émotions que nous avions étant adolescents. C’est comme se souvenir de son premier amour. Je crois que c’est plus simple d’écrire pour 7 adolescents par amour que pour un million de personnes pour l’argent.

K. G. : On n’a pas écrit pour l’argent. C’est très différent quand tu lis et que tu sais que les gens qui l’ont écrit ont surtout cherché à ne pas décevoir les lecteurs. Et c’est pour ça que les gens ont apprécié le premier livre et apprécieront le second. C’était facile aussi car nous avions toute l’histoire depuis le début, nous savions ce qu’il allait arriver. Il ne restait qu’à l’écrire. C’est beaucoup moins stressant. Nous n’avons pas connu l’angoisse de la page blanche.

Vous dîtes que certains personnages sont inspirés de personnes réelles. Mais la ville de Gatlin ressemble-t-elle aux villes dans lesquelles vous avez grandi ?

K. G. : La ville de Gatlin me rappelle la ville dans laquelle ma mère a grandi. Moi j’ai grandi à Washington D.C., mais j’y allais souvent en visite. Ma grand-mère et mon arrière-grand-mère vivaient toujours dans la maison où elles étaient nées. Elles faisaient à manger pour les réunions de quartier, racontaient des histoires, donc j’avais vraiment l’impression de vivre dans une petite ville parfois.

« 16 Lunes » est différent des histoires de vampires dont les lecteurs se lassent un peu. Mais il existe quelques petites analogies avec « Les Vampires de Manhattan » (les bibliothèques souterraines, les Gardiens…) Ce sont des coïncidences ?

M. S. : Nous n’avons pas lu « Les Vampires de Manhattan », mais nous aimons beaucoup Mélissa, elle habite à Los Angeles comme moi et Kami et nous sommes de bonnes amies. Donc c’est vrai que ce serait facile, mais non. Ca voudrait dire que nous lisons dans les pensées les unes des autres ! C’est drôle car nous avons déjà fait une interview commune de 7 heures, mais nous n’avons jamais lu nos livres respectifs.

Le livre va être adapté au cinéma. Avez-vous participé à la rédaction du scénario ?

K. G. : Nous n’avons absolument pas pris part à l’écriture du scénario. Nous avons la chance d’avoir pu travailler avec un scénariste et réalisateur renommé (Richard LaGravenese) qui a déjà travaillé à l’adaptation au cinéma de nombreux livres. Il est en train de finir le scénario et nous nous contenterons d’aller voir le film.

Quand va t’il sortir dans les salles ?

M. S. : Nous ne savons pas vraiment. Mais cela ne devrait pas tarder car il est en « production accélérée » pour pouvoir le tourner entre d’autres projets. C’est également pour cela que le casting sera composé principalement d’acteurs peu connus, comme pour « Twilight » , afin d’être sûr d’avoir des acteurs sans autres engagements et donc de pouvoir commencer à tourner tout de suite.

K. G. : Vous pourrez avoir toutes les informations au fur et à mesure grâce au site web du livre.

Si toute l’histoire de « 16 Lunes » était réelle, quels personnages auriez vous aimé être ?

K. G. : Je sais quel personnage Margareth aurait aimé être !

M. S. : Ah bon ?

K. G. : Je pense que tu aurais probablement aimé être Marian.

M. S. : Oui. Le fait est que j’aime être entourée de mes livres. Oui, ce serait Marian. J’adorerais travailler dans une librairie, entourée de livres. J’aime leur odeur, l’odeur du plastique crystal dont on les entoure. J’aime les librairies. Donc je serais Marian.

K. G. : Une chose est sûre, j’aurais aimé avoir des pouvoirs, être une Enchanteresse, mais je ne sais pas trop quel pouvoir. Pas le palimpseste, ce serait trop perturbant pour moi, ni la guérison car je ne veux pas culpabiliser de ne pas être là où il faut pour soigner les gens. Par contre, pourquoi pas une Sybille, pour savoir ce que les gens pensent. Mais pas Iris, elle est un peu trop « Miss Perfection » pour moi.

A la lecture du livre, on ressent quelque chose de très fort sur l’adolescence, l’envie d’être différent de ses parents et des gens avec lesquels on vit. C’est volontaire, ou bien vous cherchiez à transmettre un tout autre genre de message… ou même aucun peut être ?

K. G. : Non, c’est vraiment important pour les adolescents, et pour tout le monde, d’être eux-mêmes, et peu importe qui. Ils n’ont pas à ressembler à leurs parents ou à leur amis. Ils doivent être vrais avec eux mêmes. Le message le plus important du livre est sans conteste : ayez le courage d’être vous mêmes.

M. S. : « Appelle toi toi-même ». Il y a beaucoup de nous même dans ce livre. L’une comme l’autre sommes différentes de nos familles et il y a eu des ruptures nécessaires pour que nous puissions découvrir et assumer qui nous étions vraiment.

Avez vous un endroit préféré pour travailler ?

M. S. : Nous avons un bureau. Mais nous travaillons de façon très différentes. Je ne peux pas travailler si je n’ai pas mes écouteurs avec de la musique très forte. Et une musique qui correspond à ce que j’écris. Kami a besoin de silence. Et nous consommons beaucoup, beaucoup de cola et de café. Et moi, je suis complètement aveugle, j’ai besoin de mes lunettes pour travailler. J’ai peut être une vingtaine de paires de lunettes que je laisse un peu partout. J’ai besoin aussi de mon ordinateur, c’est mon bébé.

K. G. : Je n’écris jamais à la main. Je ne peux pas écrire à la main, j’ai besoin de mon portable.

M. S. : J’ai toujours un carnet et un stylo sur moi. Lorsque j’ai une idée, j’ai 3 minutes pour l’écrire avant qu’elle ne m’échappe. Alors je les emmène partout avec moi. Et je dis toujours aux adolescents qui veulent écrire d’avoir sur eux un carnet et un stylo. Je pense que c’est que qui distingue l’écrivain du non-écrivain : toujours avoir un stylo et un morceau de papier sur soi.

K. G. : Alors je ne suis peut être pas un écrivain ! J’ai besoin de mon ordinateur. Je peux écrire des idées sur un morceau de papier mais pas des pages et des pages.

M. S. : Moi si.

Justement avez vous un objet fétiche ?

K. G. : Probablement mon collier. Je ne l’enlève jamais. Il y a des médailles de mes enfants (ndlr : Kami porte également un collier semblable à celui de Lena), des choses qui comptent pour moi. C’est la seule chose que je porte tout le temps.

M. S. : Mon carnet rouge…

Avez vous un rituel quand vous commencez un livre, ou quand vous le finissez ?

K. G. : On mange des tacos, à la fin…

M. S. : On n’a rien de spécial en fait. Beaucoup de grandes choses sont arrivées grâce à ce livre : des classements en Best Seller, top 5 des ventes, il a aussi été traduit dans de nombreux pays… Mais ca n’a pas d’importance, nous ne nous intéressons qu’au lecteur. On passe énormément de temps à parler aux lecteurs sur internet, à parler du livre, à propos des livres. Nous aimons les gens qui ont lu le livre, les 7 adolescents pour lesquels nous l’avons écrit, nous aimons lire ce livre, nous aimons parler non seulement de ce livre mais de n’importe quel livre. Et ca n’a pas changé.

Vous auriez un livre dont vous ne vous sépareriez pas ?

K. G. : C’est difficile ! C’est un peu comme choisir une nourriture et ne se contenter que de celle-ci.

M. S. : Ou ne choisir qu’un seul enfant.

En dehors des 3 tomes à venir, avez vous d’autres projets en commun ou chacune de votre coté ?

M. S. : Pour l’instant ? Seulement les 3 tomes car c’est beaucoup de travail. Il y a beaucoup de personnages et beaucoup d’histoires. Sinon, oui, nous écrirons encore en équipe, une autre série. Mais il est aussi possible, que nous écrivions chacune de notre côté.

K. G. : Je n’ai pas le temps nécessaire pour écrire autre chose que les suites de 16 Lunes.

M. S. : Oui, entre nos enfants, la rédaction et les corrections des 3 autres livres, la promotion de celui-ci, le film… Un livre par an, c’est beaucoup de travail.

Vous continuez à travailler ?

K. G. : J’ai arrêté il y a deux mois. J’enseignais en école élémentaire. J’aimais ça, mais je n’avais plus le temps. J’ai dû choisir, c’était trop fatiguant et j’aime écrire plus qu’enseigner.

Auriez vous des conseils à donner à quelqu’un qui veut être écrivain ?

K. G. : La chose la plus importante est qu’il ne faut pas s’inquiéter de la bonne façon d’écrire, pas la peine de lire des livres, de prendre des cours ou de se mettre la pression. Il n’y a pas de « bonne façon » d’écrire. Je crois que beaucoup de personnes s’interdisent d’écrire parce qu’elles ont peur ou parce qu’elles ne savent pas comment faire. Mais si vous avez une histoire à raconter, il suffit de prendre un stylo et d’écrire votre histoire sans s’inquiéter de ce que les gens pourront en dire.

M. S. : Je dirais juste qu’il n’y a pas de mauvais livres, mais seulement de mauvais brouillons. Si un livre est mauvais, c’est qu’il n’est pas fini et qu’il faut continuer à le travailler. Et ne pas se décourager.

K. G. : Et il faut lire beaucoup.

Merci à vous Kami et Margareth.


Kami Garcia et Margareth Stohl sur la YOZONE :
16 Lunes



Emmanuelle Mounier
25 mai 2010


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