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Bandonéon
Jorge Gonzalez
Editions Dupuis

Pas de doute, cette bande dessinée déjantée et inventive nous vient d’Argentine et ne pouvait même venir que de là : dans la droite ligne de Breccia et d’Oesterheld, de Munoz et de Sampayo aussi, sans oublier cet autre vétéran qu’est Eduardo Risso. Une même manière de gommer les frontières entre mental et réel, jusqu’à l’effarement et la perte de repères. La même générosité graphique et narrative, où le créateur se livre tout entier. Sans le moindre ménagement, ni pour lui-même ni pour le lecteur. Tout en s’inscrivant dans la lignée d’individualités affirmées, Jorge Gonzalez impose sa propre personnalité avec une force et une aisance déconcertantes...



L’histoire - car histoire il y a dans cette bande dessinée qui sait qu’un propos fort doit sous-tendre les audaces du dessin - , c’est apparemment celle d’Horacio, pianiste prodige qui se fait un nom et se fraie un chemin tortueux dans les milieux interlopes de l’Argentine des années 30, 40 et 50 : ceux d’un pays où le brassage social issu d’immigrations massives va de pair avec l’efflorescence de réseaux mafieux aux spécialisations diverses, de la prostitution aux sphères politiques et économiques, les interactions entre groupes d’influence et d’intimidation insufflant leur contexture à ce pays neuf et déjà faisandé.

De sorte qu’au-delà du destin individuel d’un petit garçon très sage, au risque d’en devenir servile, c’est une vaste fresque sociale que livre Jorge Gonzales, et ce de façon magistrale. Scènes de bordel qui supportent aisément la comparaison avec celles de Lautrec et de Pascin, compositions vigoureusement expressionnistes, découpages graphiques intégrant, sans fausse note, des quadrillages à la Mondrian ou, plus près de nous, à la Hockney... Il y a dans “Bandonéon” un irrépressible vertige créatif, servi par une dextérité époustouflante, qui jamais n’est gratuite.

L’enthousiasme naît aussi du choix, sous les nappes de sépia, de laisser transparaître les crayonnés initiaux. Lesquels débordent des cases, s’aventurent dans les marges et donnent le sentiment d’accompagner l’auteur en plein tracé - lui dont l’histoire se déploie en même temps qu’il la conçoit, lui qui nous prend à témoin d’une bande dessinée en train de se mettre en place. Et du même coup, sauvegarde l’irremplaçable dynamique de croquis et d’esquisses trop souvent annulée par la lourdeur des encrages.

Toute cette maestria technique permet à un dessinateur de 50 ans, argentin de naissance et vivant en Espagne, puis revisitant son pays natal, d’en ramener l’équivalent graphique de sa musique tendre et cruelle, où l’amour et la mort, sans cesse, se répondent et s’affrontent : celle d’un tango où le bandonéon, mêlant raffinement et souffle populaire, fait précisément merveille.


Bandonéon
- Textes et dessins : Jorge González
- Editeur : Dupuis
- Collection : Auteurs
- Dépôt légal : 5 mars 2010
- Pagination : 200 pages couleurs
- Format : 22,7 x 32,8 cm
- ISBN : 978-2-8001-4651-5
- Prix public : 24 €


© Edition Dupuis- Tous droits réservés



Alain Dartevelle
9 juin 2010




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